Cœur de pierre

HEART OF STONE (Agent Stone) 2023 Tom Harper

Présenté comme un produit phare par la plateforme de streaming Netflix, « Agent Stone » est un film d’action qui coche toutes les cases du cahier des charge du parfait film d’espionnage, avec : des agents, des agents doubles, des amitiés, des trahisons, des courses-poursuites en moto-neige dans les Alpes, des courses-poursuites en camion à Lisbonne, des courses-poursuites à moto en Islande, des filles très jolies et des méchants très méchants, des ordinateurs impressionnants mais incontrôlables, des menaces de destruction massive et beaucoup, beaucoup d’explosions.

Malgré ses efforts, le film trop formaté et trop prévisible, peine à arriver à la hauteur (déjà peu élevée) des maîtres espions du cinéma, tels James Bond (27 films depuis 1963), Ethan Hunt (« Mission Impossible », 8 films depuis 1996) ou encore Jason Bourne (5 films de 2002 à 2016).

L’idée « originelle » 1 de mettre en avant une femme dans le rôle du super agent est l’approche la plus intéressante ici. Wonder-Woman Gal Gadot incarne très bien cette Emma Peel du XXIe siècle, mais son personnage est bien moins développé que celui de Dominika Egorova (interprété par Jennifer Lawrence dans « Red Sparrow »), dont il s’inspire allègrement. Cette trouvaille ne suffit donc pas à convaincre, pour un film qui semble avoir été écrit et dirigé en mode autopilote.

Si la séquence d’ouverture, située dans l’imposant hôtel Grawand au Val Senales (dans les Alpes italiennes) reste assez plaisante, c’est essentiellement parce qu’elle reconstitue des séquences similaires du film « Au service secret de Sa Majesté » (Peter Hunt, 1969), sixième opus de la série James Bond, …

… sans pour autant vraiment exploiter l’architecture exceptionnelle du Oetzi Peak (tout en haut à gauche de l’image), un observatoire installé à 3251 mètres en 2020 par les architectes NOA, qui offre une vue époustouflante sur les vallées.

Le super ordinateur convoité s’appelle « Heart/Cœur » (allusion manifeste à celui d’« Alien » de Ridley Scott, 1979, nommé « Mother/Mère »). Il est contrôlé par Charter, une super organisation d’agents secrets réunis pour sauver le monde (un peu, mais pas trop).

Charter est une sorte de « Justice League » sans super pouvoirs… Et encore, on se le demande, vu l’agilité avec laquelle Stone/Miss Gadot réussit, tel un Culbuto, à toujours se relever après avoir reçu coups, balles ou autres projectiles en tout genre.

Lors de la chasse aux malfrats de service, le détour par Lisbonne (ville également visitée par James Bond dans « Au service secret de Sa Majesté ») est plutôt réussi…

… et la traque nocturne rocambolesque exploite bien la topographie complexe de la ville construite sur sept collines. Même si on peut déplorer quelques faiblesses au niveau des effets spéciaux générés par ordinateur, quand les traditionnels tramways s’enflamment.

Et qui se termine de façon très cinégénique sur la Praça do Comércio au cœur de la ville.

En dehors des multiples clins d’œil (pour ne pas dire pillages) du côté de chez James Bond et dans la franchise « Mission impossible » (avec l’inoxydable Tom Cruise), mais exécuté sans le même panache, ni la même maîtrise, il est intéressant de constater qu’« Agent Stone » recycle aussi plusieurs films avec la sublime et regrettée Diana Rigg (1938-2020). En plus des combinaisons moulantes que porte Gal Gadot (en référence au personnage d’Emma Peel interprété par Diana Rigg dans « Chapeau melon et bottes de Cuir ») et le déjà mentionné « Au service secret de Sa Majesté » (où Diana Rigg devient Mrs James Bond), …

… le combat dans et sur le toit du dirigeable « Locker », à 3000 mètres d’altitude au-dessus du Sahara, fait penser au climax dans le Zeppelin de « Assassinats en tous genres » (Basil Deardon, 1969), autre film avec Diana Rigg.

Après l’Italie, Londres, Lisbonne et le Sahara, Stone enchaîne ses visites touristiques en Islande. A Reykjavik, elle passe vite fait en moto devant l’impressionnante église néo-gothique de Hallgrímskirkja, qui, avec ses 74,5 mètres de hauteur (moins d’un tiers de la tour Eiffel), est le plus haut bâtiment d’Islande ! Elle a été construite à partir de 1945 et terminée seulement en 1986, d’après des plans élaborés par l’architecte islandais Guðjón Samúelsson.

Stone passe un peu plus de temps dans et autour du bâtiment « Harpa »2, une salle de concert et centre de congrès, construit en 2011 à Reykjavik par l’agence danoise Henning Larsen.

Transformé pour les besoins de l’intrigue en « université d’Islande », on le reconnaît à ses façades vitrées caractéristiques, composées de facettes colorés, …

.. sorte de cristaux abstraits dont le design a été élaboré avec l’artiste contemporaine Ólafur Elíasson.

Et comme il se doit dans un film d’espionnage calqué sur le principe de James Bond et d’Ethan Hunt, le bâtiment est détruit à la fin. Que l’agent soit un homme ou une femme n’y change strictement rien …

1Pas si orignelle que ça, puisque déjà « Atomic Blonde » (de David Leitch, 2017) et « Red Sparrow » (de Francis Lawrence, 2018) ont appliqué ce principe, avec respective Charlize Theron et Jennifer Lawrence, qui incarnaient des super espionnes, d’abord super sexy, mais aussi et surtout super intelligent en plus d’être capable de taper plus fort que leurs adversaires.

2Le Harpa Concert Hall sert également de décor dans l’excellente l’épisode « Crocodile », saison quatre de la série « Black Mirror ».

HEART OF STONE (Agent Stone) 2023 Tom Harper

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