Vivre sous cloche

YOU ONLY LIVE TWICE (On ne vit que deux fois) 1967 Lewis Gilbert

SILENT RUNNING 1972 Douglas Trumbull

LOGAN’S RUN (L’Âge de cristal) 1976 Michael Anderson

DIE ANOTHER DAY (Meurs un autre jour) 2002 Lee Tamahori

GLASS ONION (Une histoire à couteaux tirés) 2022 Rian Johnson

Les bâtiments en forme de sphère et les dômes géodésiques sont inextricablement associés à l’imaginaire de la science-fiction. La fascination qu’ils induisent est liée à leur capacité d’englober des très grands volumes sans la moindre rupture architecturale intérieure.

Dès 1966, Ken Adam, chef décorateur du film « On ne vit que deux fois », fait ainsi apparaître politiciens et scientifiques dans un dôme pour illustrer une réunion au sommet concernant la conquête de l’espace, un des thèmes explorés dans la série.

Si c’est surtout l’américain Richard Buckminster Fuller (-> Le dôme de Bucky) qui a forgé et popularisé le concept de dôme géant (à partir de 1945), c’est finalement l’anglais Sir Nicolas Grimshaw qui a réalisé au début des années 2000, le plus imposant ensemble construit (à ce jour) : Eden Project, qui rassemble plusieurs serres vitrées culminant à 55 mètres pour 100 à 200 mètres de diamètre.

L’idée d’abriter la nature sous un dôme a été déjà exploitée en 1972 dans « Silent Running » par Douglas Trumbull, dans un film de science-fiction précurseur qui combine engagement écologique et dénonciation de la bêtise humaine qui court à sa perte.

Le film suit les déambulations d’un énorme vaisseau spatial qui transporte plusieurs dômes géodésiques.

Le botaniste Freeman Lowell (Bruce Dern) y cultive des forêts et des espèces végétales disparues suite à des désastres écologiques. Selon cette vision de moins en moins utopique, la planète terre est devenue un désert invivable et les quelques plantes et animaux qui voyagent dans le vaisseau sont les dernières espèces vivantes, sauvées par les bulles.


« L’Age de cristal » (1976, Michael Anderson), autre film de science-fiction des années soixante-dix, s’inspire des travaux de Buckminster Fuller en imaginant le futur de l’an 2274 sous une ville-bulle immense et d’apparence idéale.

Plusieurs dômes englobent les différents bâtiments de la ville et protègent les habitants d’un environnement devenu hostile et invivable.

La plupart des intérieurs ont été tournés dans des décors créés pour le film en studio, …

… d’autres dans des bâtiments singuliers à Dallas (Texas), comme l’immense centre commercial Dallas Market Center de 420 000 m2, …

… dont la partie Apparel Mart, construite par Donald Speck en 1964, qui, avec ses parois arrondies en béton projeté et ses incrustations ornementales avait une allure très futuriste pour l’époque. Il ne reste plus rien de cet audacieux centre commercial, démoli en 2009.

La configuration des dômes, visibles au début du film et réalisés avec des maquettes, est très proche de l‘Eden Project, que Nicholas Grimshaw réalisera 25 ans plus tard en Angleterre.


On retrouve le thème de la ville sous cloche dans la série télé « Under the Dome » (2013), d’après Stephen King, où la coupole représente, comme dans « L’Age de cristal », non seulement une coque protectrice, mais surtout une prison.

Le même principe est appliqué au-dessus du plateau de production du « Truman Show » (1998, Peter Weir), où le personnage central joué par Jim Carrey, Truman Burbank, est tenu prisonnier sous un immense dôme invisible (caché par un ciel peint).


Une version miniature d’un dôme géodésique apparaît également (et donne son titre au film) dans « Glass Onion, Une histoire à couteaux tirés » (2022, Rian Johnson). Cet oignon de verre, ajouté en images de synthèse sur la prestigieuse Villa 20 du Amanzoe Ressort (à louer pour 2000 $ la nuit) est situé sur une plage paradisiaque du Péloponnèse. La bulle y représente le bureau du milliardaire excentrique Miles Bron (Edward Norton) – caricature à peine déguisée d’un certain Elon Musk.


L’Eden Project de Nicolas Grimshaw, qui couvre une surface de 15 hectares, a été construit en 2001 près de St Austell en Cornouailles (Royaume-Uni). Cette prouesse technique impressionnante n’a pas échappé à l’équipe du décorateur en chef Peter Lamont, qui cherche un lieu de tournage insolite pour la 20ème aventure de James Bond, « Meurs un autre jour ».

Peter Lamont imagine un repère de vilain aussi gigantesque qu’irréalisable sous la forme d’un palais de glace surdimensionné. Le résultat est un étrange mélange de structures organico-futuristes, inspiré de la gare TGV de Lyon-Satolas (de l’architecte espagnol Santiago Calatrava, achevé en 1994) et de l’opéra de Sydney (du danois Jorn Utzon, construit de 1959 à 1973).

Le tout situé en Islande et combiné avec les bulles de l’Eden Project de Nicolas Grimshaw, qu’on aperçoit à droite de l’image, lors de l’inévitable destruction du site à la fin du film.

Le palais de glace est censé être véritablement construit dans la glace – façon igloo géant, tout en offrant le luxe d’un hôtel quatre étoiles – à condition de garder toujours sa doudoune de vison.

Cela n’empêche pas de créer des espaces intéressants, avec des éléments structurels, dont la forme s’inspire fortement de la gare TGV de Lyon-Satolas.

Si la partie « opéra-gare TGV » est un résultat d’images de synthèse et de maquettes à grande échelle, la partie « Eden » a bien été tournée en Cornouailles …

… notamment la scène où les sbires du super méchant Gustav Graves tirent sur James Bond depuis l’intérieur …

… qui s’enfuit par le toit (avec un arrière-plan islandais en image de synthèse).

La première confrontation entre Graves (Toby Stephens) et Bond (Pierce Brosnan) a également lieu dans la sphère de l’Eden Project. Peter Lamont y ajoute un bureau en verre et métal, incluant un sol vitré et surélevé, qui se brisera bientôt sous l’impact des balles.

Car à l’image de la nature qui disparaît, la finalité de ces dômes géodésiques semble bien être leur destruction. C’est ce que semblent démontrer « Meurs un autre jour », « Silent Running » et aussi, avec cette dernière image, « Glass Onion, Une histoire à couteaux tirés ». Le monde ne semble pas encore tiré d’affaire, n’en déplaisent à James et consorts !

YOU ONLY LIVE TWICE (On ne vit que deux fois) 1967 Lewis Gilbert

SILENT RUNNING 1972 Douglas Trumbull

LOGAN’S RUN (L’Âge de cristal) 1976 Michael Anderson

DIE ANOTHER DAY (Meurs un autre jour) 2002 Lee Tamahori

GLASS ONION (Une histoire à couteaux tirés) 2022 Rian Johnson

Une réflexion sur “Vivre sous cloche

Laisser un commentaire