ゴジラ aka GODZILLA 1954 Ishiro Honda
キングコング対ゴジラ (King Kong contre Godzilla) 1962 Ishiro Honda
怪獣総進撃 (Les Envahisseurs attaquent) 1968 Ishiro Honda
ゴジラ対ヘドラ (Godzilla contre Hedorah) 1971 Yoshimitsu Banno
Découvrir (et détruire) les villes du monde grâce au films de Godzilla de l’ère Shōwa (1954 et 1975)

Depuis plus de 70 ans, les aventures de Godzilla, le plus grand et le plus féroce lézard du cinéma, fascinent le monde entier à travers 33 films japonais et 5 films américains (sans compter les séries télévisées, les films d’animation et les bandes dessinées).

En 1954, Ishirō Honda réalise le premier kaiju eiga (« film de monstre géant »), en noir et blanc et avec un ton très sérieux. Ce film inaugural demeure, encore aujourd’hui, l’un des meilleurs de la saga. Faute d’effets numériques, le monstre est incarné par le cascadeur Haruo Nakajima, enfermé dans un costume en latex de 91 kilos. Il écrase de ses énormes pattes des maquettes représentant paysages et villes du Japon.

Ces miniatures, construites avec un soin méticuleux, font encore aujourd’hui le charme désuet des quinze films de la première ère Shōwa1 (1954-1975), où une vingtaine de monstres, souvent manipulés par des extraterrestres malveillants, s’affrontent.
1 Films de Godzilla produits sous le règne de l’empereur Shōwa, Hirohito, 1926-1989

Les villes traversées par Godzilla n’ont qu’un seul destin : être détruites, pour illustrer la férocité de cette créature préhistorico-atomique. Les décorateurs s’attachent donc à reproduire des lieux emblématiques à travers d’immenses maquettes.

Ainsi, Tokyo est partiellement détruite quatorze fois par Godzilla entre 1954 et 2024 !

Réveillé dans le premier film par des essais nucléaires au large de l’île imaginaire d’Odo, Godzilla est chargé de radioactivité et devient une menace pour le Japon, puis pour le monde entier. Dans les années cinquante, plusieurs films de science fiction — comme Le Monstre des temps perdus (1953) d’Eugène Lourié — lient essais atomiques et apparition de monstres géants.

Dans les années 50, l’édifice le plus reconnaissable de Tokyo est le bâtiment de la Diète nationale, situé dans le quartier de Nagatachō qui abrite le parlement du Japon, autrement dit le pouvoir du pays.

Godzilla menace de détruire ce bâtiment de 65 m de hauteur qui représente l’autorité et de stabilité du pays à plusieurs occasions. Ce bâtiment a été construit entre 1920 et 1936 dans un mélange de néoclassicisme occidental et d’influences Art déco, avec quelques touches inspirées de l’architecture traditionnelle japonaise en utilisant la pierre et le granite japonais.

Mais les ravages de Godzilla ne se limitent pas à Tokyo : il s’attaque aussi trois fois à Fukuoka et à Tokia, ainsi que deux fois à Osaka, Yokohama et Nagoya. Dans Mothra contre Godzilla, il traverse Nagoya et menace de détruire le château, symbole historique reconstruit en 1959 après sa destruction durant la Seconde Guerre mondiale — une scène restée célèbre.

Le succès du monstre conduit rapidement les producteurs à en faire un protecteur de l’humanité. Dès le troisième film, King Kong contre Godzilla, c’est Kong qui tente (en vain) de réduire en poussière la Diète nationale.

L’affrontement final des deux géants a lieu sur le mont Fuji, près du château d’Atami, un site touristique prisé des Japonais, construit en 1959 dans le style traditionnel des châteaux japonais du XVIe siècle, avec ses pagodes superposées (tenshu) – réduit en miettes par les deux colosses.

À partir de ce film, la Toho3 met en place un véritable « Godzilla-verse » avant l’heure, où le monstre croise Rodan, Mothra, Ghidorah ou encore Mechagodzilla, son double robotique créé par des extraterrestres belliqueux.
3 Maison de production détentrice des droits de la saga.

Tout au long de la série, Ishirō Honda, co-créateur de Godzilla et réalisateur de huit films, alterne entre sérieux et comédie, tout en cherchant à mettre en avant les relations humaines face à la menace monstrueuse.

Mais ce sont surtout les combats spectaculaires — et la destruction du patrimoine architectural — qui séduisent le public.

À la fin des années 1960, l’action s’étend au-delà du Japon. Dans Les Envahisseurs attaquent (1968), plusieurs monstres, manipulés par des perfides extraterrestres, agressent les grandes capitales : Rodan s’en prend à la cathédrale Saint-Basile sur la place Rouge à Moscou …

… Godzilla détruit à New York le siège des Nations unies (chef-d’œuvre du Style international conçu par Le Corbusier, Oscar Niemeyer et Harrison & Abramovitz, 1947-1952) …

… Gorosaurus pulvérise l’Arc de Triomphe à Paris, Mothra attaque Pékin et Manda détruit Londres. Moderne ou ancienne, l’architecture n’est qu’un dommage collatéral dans la lutte de ces monstres déchaînés.

Le film s’attarde surtout sur la destruction conjointe du port de Tokyo par Godzilla et Manda, un sommet du genre pour les fans.

Si le ton devient plus bon enfant à la fin des années 1960, avec les films de Jun Fukuda et l’apparition du fils de Godzilla, Godzilla contre Hedorah de Yoshimitsu Banno se distingue par son esthétique psychédélique inspirée du Flower Power, ponctuée de séquences animées.

Hedorah, monstre-boue toxique, se nourrit de pollution : les affrontements ont lieu devant des maquettes d’usines chimiques et pétrolières, symboles du progrès industriel des Trente Glorieuses. Après le nucléaire, c’est donc la pollution qui devient source d’angoisse.

Mais la critique écologique reste marginale, et Toho, jugeant le film trop expérimental, retourne à des formules plus consensuelles. Ce sera l’unique Godzilla de Banno.

Après près de dix ans de pause, la franchise revient avec deux nouvelles ères — Heisei (1984-1995, sept films) et Millennium (1999-2004, six films) — qui recyclent la formule jusqu’à saturation, malgré des effets spéciaux un peu plus sophistiqués. Dans Godzilla: Final Wars (2004), remake de Les Envahisseurs attaquent, la mante géante Kamacuras envahit Paris depuis l’Arche de la Défense, construite en 1989 par Johan Otto von Spreckelsen.

Il faut attendre 2014 et 2016 pour que deux reboots très différents redonnent un nouveau souffle au roi des monstres : Godzilla de Gareth Edwards (production américaine) et Shin Godzilla de Hideaki Anno et Shinji Higuchi (production japonaise).

Pour la première fois, dans Shin Godzilla, le bâtiment de la Diète nationale est finalement réduit en cendres.
Mais ça, c’est une autre histoire.
(à suivre)
ゴジラ (Godzilla) 1954 Ishiro Honda
キングコング対ゴジラ (King Kong contre Godzilla) 1962 Ishiro Honda
怪獣総進撃 (Les Envahisseurs attaquent) 1968 Ishiro Honda
ゴジラ対ヘドラ (Godzilla contre Hedorah) 1972 Yoshimitsu Banno