Frank Ventura – Salaud d’architecte !

ECOLOGIA DEL DELITTO (La baie sanglante) 1971 Mario Bava

Parallèlement à la première vague des films de mort-vivants, initiée par « Zombie » de George A. Romero (1978), un autre courant de films d’horreur rencontre un énorme succès au début des années 80 : le slasher movie. Axée sur un tueur psychopathe, cette sous catégorie développe souvent des franchises à succès, comme « Massacre à la tronçonneuse » (1974), « La Nuit des masques » / « Halloween » (1978), « Vendredi 13 » (1980) et « Les Griffes de la nuit » (1984), pour ne nommer que les plus connues, qui usent de ce procédé jusqu’à la nausée.

Le principe commun de ces films est la succession de meurtres explicites et atroces, administrés par un mystérieux tueur en série complètement dément, dont l’une des victimes – en général une fille blonde – parvient in extremis à s’échapper… ou pas.

Il faut chercher l’origine de cette série de films américains en Italie : c’est Mario Bava qui pose les bases du genre en 1971, avec « La Baie sanglante ». Et on oublie souvent que le premier initiateur de ces jeux de massacre fut… un architecte !

La mise en scène de Bava laisse assez longtemps le spectateur perplexe, face à une série de meurtres apparemment gratuits et inexpliqués, qui se déroulent dans une baie paisible à la beauté naturelle exceptionnelle. Or la raison de ces crimes est à trouver dans l’avidité d’un architecte, qui souhaite transformer la baie en complexe touristique moderne.

Ce salaud d’architecte se nomme Frank Ventura (Chris Avram), charmeur cultivé roulant en Jaguar et profitant le week-end, d’une maison située sur la baie qu’il convoite tant.

Face au refus catégorique de la comtesse Federica Donati (Isa Miranda), propriétaire de la baie immaculée, de se lancer dans un tel projet touristique…

… Ventura manipule l’ex-mari de la comtesse, Filippo Donati (Giovanni Nuvoletti) avec l’aide de son assistante et amante Laura (Anna Maria Rosati), qui lui est totalement dévouée.

Filippo finit par commettre le premier meurtre, ce qui provoque une « réaction en chaîne » (titre alternatif italien du film), puisqu’il est à son tour assassiné par Simone (Claudio Volonte), le fils illégitime de la comtesse.

Qui sera lui-même tué par… et ainsi de suite. S’ajoutent quatre jeunes vacanciers, présents au mauvais endroit au mauvais moment, qui alourdissent le bilan des victimes collatérales. Dont l’indispensable fille blonde (Brigitte Skay), partie se baigner seule, ce qui, dans ce genre de film, s’avère généralement une erreur fatale …

Ainsi, tous les personnages qui se rendent autour de la baie pendant ce week-end (ils sont 13 !) auront, d’une manière ou d’une autre, du sang sur les mains (souvent leur propre sang), à l’instar de l’ex-Bond girl Claudine Auger et de Luigi Pistilli, pilier du giallo et du western spaghetti italien.

Ni l’architecte vénéneux et perfide, ni sa jolie assistante manipulatrice et toxique, n’échapperont à cette « écologie du crime » (traduction du titre original du film) qui laisse beaucoup de cadavres sur son chemin.

Avec « La Baie sanglante », Mario Bava pousse les limites du giallo jusqu’à l’absurde tout en gardant une grande lucidité sur l’avidité de ses protagonistes : « Une étude quasi entomologique des pulsions humaines » (selon le critique Olivier Père), dans un film pourtant tourné à la va-vite et avec trois bouts de ficelle. Comme à son habitude, les images et les cadrages de Bava (qui tient aussi la caméra) sont très soignés et inventifs.

Si le film fixe les conditions du genre du slasher, il se distingue du scénario classique en proposant une conclusion bien plus radicale et inattendue.

Et un portrait d’architecte, aux airs de playboy confiant et insouciant, une fois de plus sans morale ni scrupule, motivé par la seule ambition de gagner, avec ses projets… un maximum d’argent !

ECOLOGIA DEL DELITTO (La baie sanglante) 1971 Mario Bava

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