Si on peut appeler ça vivre

FLASHDANCE 1983 Adrian Lyne

NIGHT OF THE LIVING DEAD (La nuit des morts-vivants) 1969 George A.Romero

DAWN OF THE DEAD (Zombie) 1978 George A. Romero

A NIGHT IN CASABLANCA (Une nuit à Casablanca) 1946 Archie Mayo

« When you’re growing up in a small town – You say, « No one famous ever came from here »1

1extrait de la chanson « Smalltown » (Lou Reed / John Cale) en hommage à Andy Warhol, qui est né et a grandi à Pittsburgh.

Dans la chanson « Smalltown », Lou Reed et John Cale décrivent la ville de Pittsburgh comme une « petite ville » ou plutôt comme un « trou perdu, d’où personne de célèbre n’est jamais sortie ». Pourtant, Pittsburgh est la deuxième plus grande ville en Pennsylvanie, avec une superficie de 151 km2 et environ 300 000 habitants (en 2020). Parmi les célébrités originaires de Pittsburgh, on peut noter (en dehors de l’artiste Andy Warhol), les comédiens Gene Kelly et Jeff Goldblum et le musicien de jazz Art Blakey.

Le regard condescendant que pose la chanson vient du fait que Pittsburgh est considérée comme une ville industrielle, importante d’un point de vue économique, mais aussi très polluée et manquant d’attractivité.


Questionnée par rapport au fait d’être née et d’avoir grandi dans le quartier de Hollywood à Los Angeles, l’actrice débutante Jodie Foster fait cette comparaison, qui lui semble évidente : « A Pittsburgh – la ville d’acier – tout le monde parle d’acier. »

« A Los Angeles – la ville du cinéma – tout le monde parle de cinéma. »

Ceci pour expliquer que sa vocation d’actrice a été conduite par une logique inévitable et étroitement liée à son lieu de naissance.

Et si elle était née à Pittsburgh ?

Elle serait sans doute et logiquement devenue soudeuse, comme Alex (Jennifer Beals), héroïne du conte de fée « Flashdance », justement filmée à Pittsburgh !

Mais où est donc Pittsburgh ? 

Pittsburgh se trouve à l’Est des Etats-Unis, entre Detroit et Washington, à la confluence des rivières Allegheny et Monongahela, qui forment ensuite l’Ohio. Cette proximité de l’eau et les nombreuses mines de charbon ont fait de la ville un des plus importants centres sidérurgiques des Etats-Unis au XIXème siècle – d’où son surnom de « ville d’acier ».

Comme pour d’autres villes industrielles, la crise économique a entraîné son appauvrissement dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Le déclin de Pittsburgh est assez présent en toile de fond dans le dispensable, mais très populaire « Flashdance », …

… autour de la jolie soudeuse Alex, qui danse le soir venu dans des cabarets et rêve d’intégrer le ballet d’opéra de Pittsburgh. Le succès du film est surtout porté par la bande-son entraînante de Giorgio Moroder et les tubes d’Irene Cara, mis en scène comme des clips musicaux par l’efficace Adrian Lyne, avant que ce dernier ne se spécialise dans le thriller érotique.


Si Pittsburgh retrouve un peu de vitalité dans les années 2000, la ville développe aussi une attractivité cinétique : Christopher Nolan utilise la skyline passe-partout pour la transformer en Gotham City dans « The Dark Knight rises » (2012) ; Tom Cruise y tourne la même année des séquences de son film d’action « Jack Reacher ».

Même s’il y a eu d’autres tournages, la ville reste toujours attachée à ses clichés peu glamour et n’est que très rarement représentée à l’écran – à deux exceptions près – qui pour le coup, sont notables :

C’est le jeune George A. Romero, qui va inscrire la ville de Pittsburgh sur les cartes cinématographiques, en y lâchant des armées de morts-vivants à partir de 1969, avec « La Nuit des morts-vivants » et surtout en 1978, avec le déterminant « Zombie », qui enclenchera la première grande vague des films gores.

En plus de montrer l’horreur de manière frontale et directe, Romero ajoute une bonne dose d’ironie et de critique consumériste à un genre qui n’en demande pas tant pour satisfaire son public.

Il installe également, à travers sa série de films de zombies, une topographie de la terreur, qui montre le rétrécissement de l’espace urbain des quelques survivants, …

… obligés de se retrancher dans une ferme (« La Nuit des morts-vivants », 1969), un centre commercial (« Zombie », 1978) ou encore une base militaire (« Jour des morts-vivants », 1985).

Phénomène que Manouk Borzakian analyse en détail dans son éclairant ouvrage « Géographie zombie, les ruines du capitalisme ».

Si l’apparition des zombies n’est jamais expliquée dans ces films (« La Nuit des morts-vivants » émet toutefois l’hypothèse d’une radiation mystérieuse), le choix de Pittsburgh comme lieu de l’élément déclencheur s’explique par le simple fait que Romero est originaire de la ville. Et non par le fait qu’elle fut la première ville au monde, en 1960, à être alimentée en électricité par l’énergie nucléaire.


L’hommage le plus pertinent à Pittsburgh reste un gag des inimitables Marx Brothers :

Dans « Une nuit à Casablanca » (1946), Bea (Lisette Verea) et Ronald Kornblow (Groucho Marx) se moquent de la ville d’acier lors d’une scène de séduction, …

… où les cigarettes deviennent une métaphore des innombrables cheminées d’usines sidérurgiques.

Les deux se lancent des bouffées de fumée comme missives d’amour toxiques :

« C’est comme vivre à Pittsburgh. Si on peut appeler ça vivre ! »

FLASHDANCE 1983 Adrian Lyne

NIGHT OF THE LIVING DEAD (La nuit des morts-vivants) 1969 George A.Romero

DAWN OF THE DEAD (Zombie) 1978 George A. Romero

A NIGHT IN CASABLANCA (Une nuit à Casablanca) 1946 Archie Mayo

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