California dreaming

MOONRAKER 1979 Lewis Gilbert

Le monde merveilleux de James Bond nous permet de découvrir dans l’immensité des Etats-Unis, et spécialement en Californie, une richesse architecturale stupéfiante !

« Moonraker », onzième aventure de l’inoxydable agent spécial de sa Majesté (interprété pour la quatrième fois par le malicieux Roger Moore), envoie James Bond dans l’espace – l’endroit où il faut être, suite au succès mondial de la « La Guerre des Etoiles » de George Lucas. Le film ne se limite pas à l’espace, mais présente aussi tout un volet inattendu du patrimoine architectural français, sournoisement caché dans le paysage californien.

Après avoir été briefé par sa hiérarchie à Londres sur la disparition d’une navette spatiale de type Moonraker, James Bond s’envole pour la Californie, afin de rencontrer le constructeur industriel Hugo Drax (Michael Lonsdale), qui a élaboré ces fusées.

Arrivé à l’aéroport international de Los Angeles, facilement identifiable par la coque futuriste du « Theme Building » de 1961 (construit par Paul R. Williams, William Pereira, Charles Luckman et R. H. Carter) – une plateforme d’observation dans un pure style atome – James continue son chemin à bord de l’hélicoptère privé de Drax.

Piloté par l’avenante Corinne Dufour (Corinne Cléry), ils survolent le vaste domaine de l’industriel, …

… en réalité le Rockwell International Aircraft Plant, à Palmdale, dans la vallée d’Antelope, bien situé en Californie, là où a été développé le véritable Space Shuttle, qui a servi de modèle pour le Moonraker.

L’hélico survole ensuite les laboratoires – aux allures de station spatiale, pure maquette inventée par Ken Adam (ci-dessus son esquisse). « Moonraker » est le septième et dernier film de la série où intervient le fameux directeur artistique qui a créé le style James Bond.

Ken Adam propose un complexe futuristes (visiblement inspiré de « L’Etoile de la mort » dans « La Guerre des Etoiles »), où il intègre, non sans ironie (à gauche, cercle orange) le bâtiment du CNIT, construit en 1958, à La Défense, à Paris (par R. Camelot, J. de Mailly, B. Zehrfuss, N. Esquillan et J. Prouvé).

C’est sans doute une manière malicieuse de préparer le spectateur à découvrir par la suite d’autres merveilles architecturales, et non des moindres, importées de France :

Car à la suite des laboratoires et usines de fabrication, James Bond découvre avec surprise le château de Vaux-le-Vicomte… dans le paysage californien !

Construit entre 1658 et 1661 par Louis Le Vau, premier architecte du roi Louis XIV, pour le surintendant des finances du roi, Nicolas Fouquet, il est situé à une soixantaine de kilomètres au Sud de Paris.

Heureusement, la tour Eiffel échappe au voyage de justesse ! Merci Valéry Giscard d’Estaing !

Les somptueux jardins du château de Vaux-le-Vicomte, conçus par le célèbre paysagiste André le Notre, se retrouvent – non sans humour – le lieu du terrain d’entraînement des cosmonautes de Drax.

On se rappelle que Louis XIV, piqué au vif par la somptuosité du domaine – et réagissant un peu comme un super-méchant chez James Bond – fit jeter Fouquet en prison pour construire ensuite Versailles, encore plus grand et plus prétentieux.

Lors de la première confrontation avec Bond, Drax lui propose du thé anglais, accompagné d’un sandwich au concombre, …

… dans les somptueux intérieurs du château – tournés dans un autre château (!) : le Château de Guermantes à une trentaine de kilomètres à l’Ouest de Paris (fermé aux visiteurs).

Suite a cette entrevue, la toujours très charmante Corinne Dufour accompagne Bond à pied (nous sommes donc toujours en Californie), jusqu’au laboratoire, pour y rencontrer le docteur Holly Goodhead (Lois Chiles). Ce passage a été tourné dans le Centre Pompidou à Paris – récemment inauguré en 1977 – facilement reconnaissable à ses grands tubes d’accès vitrés et ses importants portiques en métal, qui donnent au bâtiment une allure d’immense machinerie.

Le britannique Richard Rogers et l’italien Renzo Piano l’ont conçu dans un style « high tech » qui rejette vers l’extérieur la structure métallique porteuse ainsi que les tubes et tuyaux nécessaires au fonctionnement – des éléments, qui sont usuellement cachés à l’intérieur.

Ken Adam s’empare du look du centre pour le transformer en laboratoire et bureaux de développement de vaisseaux spatiaux. Sur son croquis, il ajoute une sculpture expressive en contrepoint d’éléments vitrés et brillants. Il souligne, à gauche, les grands tuyaux du Centre Pompidou – éléments très caractéristiques qui rappellent les cheminées des paquebots.

La réalisation est beaucoup moins réussie que le dessin initial : la sculpture a perdu son dynamisme et les tuyaux ressemblent plutôt à d’étranges poubelles surdimensionnées, concurrençant une maquette de fusée un peu perdue au milieu !

Le décor de la centrifugeuse du labo, plus réussi, est la  prochaine étape de la visite, qui devient un piège presque mortel pour Bond. 

Invité pour la nuit au château (de Guermantes, puisque nous sommes à l’intérieur), il en profite pour espionner un peu le bureau de Drax et faire plus ample connaissance avec Corinne.

La visite de courtoisie se termine le lendemain, avec une partie de chasse (autour de Vaux-le-Vicomte, puisque nous sommes à l’extérieur), avant que Bond quitte cette Californie de rêve (ou de cauchemar) afin de s’envoler pour Venise, puis pour Rio … puis de partir dans l’espace.

Le grand décor de la station spatiale de Drax (100 tonnes de métal / 3 000 mètres de bois) n’est pas construit dans les studios de Pinewood en Angleterre (où la majorité des décors des films de James Bond ont été tournés), mais dans les studios d’Epinay, au Nord de Paris !

Ken Adam s’inspire encore, pour ce gigantesque décor, du Centre Pompidou, en y intégrant les grands tubes d’accès caractéristiques en verre et en métal.

Un James Bond très made in France – sans que notre héros y mette les pieds officiellement ! Ou l’art américain de fabriquer du rêve, aux prix de quelques distorsions géographiques… 

MOONRAKER 1979 Lewis Gilbert

Laisser un commentaire