DER LETZTE MANN (Le dernier des hommes) 1924 F. W. Murnau
GRAND HOTEL (1932) Edmond Goulding
THE COCOANUTS (Noix de Coco) 1929 Robert Florey et Joseph Santley
SOME LIKE IT HOT (Certains l’aiment chaud) 1959 Billy Wilder
TO CATCH A THIEF (La main au collet) 1955 Alfred Hitchcock
GRAND BUDAPEST HOTEL 2014 Wes Anderson
L’hôtel, lieu de villégiature par excellence, est un décor récurrent au cinéma. L’éventail des lieux, des prestations et des styles est extrêmement large et englobe tout les genres et toute l’histoire du cinéma. Cette première approche (comme toujours incomplète et subjective) se contentera de rappeler quelques grands hôtels de luxe, catégorie souvent représentée à l’écran, avant de mettre le focus, dans un deuxième temps, sur des établissements plus abordables.

Les grands hôtels de luxe sont présents à toutes les époques du cinéma. Les histoires entre voyageurs supposés riches (ou qui le sont vraiment) venus du monde entier pour des vacances ou des affaires, assistés d’une armée de grooms, boys et femmes de chambre serviables, mais pauvres (et envieux parfois), est la base de nombreux drames et comédies.
Allons d’abord à Berlin pour y passer quelques jours – à l’Atlantic, puis au Grand Hôtel –, avant de nous rendre en Floride.


Le grand hôtel apparaît souvent comme un miroir du microcosme de la société et de son époque. Dans le grand hôtel Atlantic à Berlin, imaginé de toutes pièces par Friedrich Wilhelm Murnau, le metteur en scène s’intéresse surtout au personnel, nombreux et interchangeable, qui veille à rendre agréable le séjour des voyageurs.


Le film décrit le destin funeste d’un fier portier (Emil Jannings), qui, dans son uniforme imposant, est respecté dans le quartier très modeste où il habite. Mais reclassé à cause de son âge au poste d’homme-pipi, il devient « Le Dernier des hommes » (« Der letzte Mann », 1924). C’est un des meilleurs films de Murnau, d’une beauté visuelle époustouflante, grâce notamment à la caméra déchaînée, procédé développé avec son chef opérateur Karl Freund, permettant de suivre l’action et les personnages dans des mouvements inédits jusqu’ici.

L’un des meilleurs exemples du genre au cinéma reste le sobrement intitulé « Grand Hôtel » d’Edmond Goulding, tourné en 1932 en studio à Hollywood, qui décrit la vie et le destin de plusieurs voyageurs séjournant dans cette institution berlinoise, d’après le roman à succès de Vicki Baum, avec Greta Garbo et John Barrymore. La vue plongeante sur le hall d’entrée reste un sommet de l’architecture intérieure produite pour le cinéma (et repris plus tard par Wes Anderson dans son « Grand Budapest Hôtel »).


Très significativement, le film commence avec le central téléphonique de l’hôtel, à la pointe de la technique de 1932, …


… qui met en scènes des voyageurs pressés de communiquer avec le monde entier !

Et malgré les drames qui se jouent derrières les portes des chambres (ici entre Joan Crawford, Wallace Beery et – hors cadre – John Barrymore) …

… le concierge impénétrable (John Davidson), constate qu’« il n’arrive jamais rien » – discrétion oblige.


A la même époque, l’hôtel Cocoanut est envahi par les irrespectueux Marx Brothers, qui, sans aucune gêne, sèment la pagaille dans « Noix de Coco » (« The Cocoanuts », 1929), pendant le boom immobilier de Floride des années vingt.


Groucho Marx fait merveille en gérant despotique qui ne paye pas ses employées. Son armée de grooms se met aussitôt joyeusement à danser en guise de mécontentement !

Les chambres à double accès du Cocoanut permettent aux quatre frères Marx de pousser les quiproquos jusqu’à l’absurde – ce qui est par ailleurs leur spécialité.

Non moins turbulents sont les événements au Seminole Ritz, autre grand hôtel situé en Floride, quand un groupe de talentueuses et jolies musiciennes débarque dans « Certains l’aiment chaud » de Billy Wilder. C’est le prestigieux Del Coronado, construit en 1888 sur la plage de San Diego en Californie par les architectes Reid & Reid, qui incarne le Seminole Ritz dans le film. C’est le plus grand hôtel du monde à ce moment-là.

Le pétillant girls group est entre autres composé de Tony Curtis, Jack Lemmon et de Marilyn Monroe. Tourné en 1959, cette comédie reste l’une des meilleures jamais portée à l’écran. Le sujet du travestissement va bien au-delà des gags grivois habituels de l’époque et le sous-texte gay est aussi subtil qu’assumé.

Ainsi les riches playboys grisonnants, qui guettent avec avidité l’arrivée de chair fraîche, sont vite repoussés dans leurs tranchées par les répliques cinglantes de Daphné (Jack Lemmon) et Josephine (Tony Curtis).

Entièrement construit en bois, le Del Colorado est un des rares exemples encore en place du style balnéaire victorien, typique des Etats-Unis. L’élément le plus emblématique est son immense salle de bal circulaire surmontée d’une tour à huit pans, qui évoque un phare dans sa partie haute.

Dans les années cinquante, Alfred Hitchcock met en valeur le prestigieux hôtel Carlton à Nice, …


… aussi somptueux que son actrice fétiche, l’impériale Grace Kelly, future princesse de Monaco, dans « La Main au collet » (1955).

Le « Grand Budapest Hotel » (2014) de Wes Anderson, autre grand hôtel imaginaire, s’inscrit dans les récits de l’écrivain viennois Stefan Zweig, et s’inspire de deux hôtels existants : l’Imperial et le Pupp, construits au début du siècle dernier à Karlovy Vary, station thermale populaire et très réputée en Tchèquie.

En ajoutant une touche féerique à la réalité (notamment à travers des enduits roses), Anderson sublime les éléments des lieux préexistants. Il navigue dangereusement dans les zones du kitsch qu’on associe à la monarchie austro-hongroise « K&K » (« kaiserlich und königlich », impérial et royal), dont la production austro-allemande « Sissi » (Erich Marischka, 1955) est la référence. Ainsi, la ville de Carlovy Vary (Karlsbad, qui se traduit par « Charles-les-Bains »), devient le modèle pour Nebelsbad (« Brouillard-les-Bains ») où se trouve le Grand Budapest dans le film.

L’intérieur du grand hall a été tourné dans un grand magasin désaffecté à Görlitz, dans l’Est de l’Allemagne : Le Kaufhaus am Damianiplatz, exemple du Jugendstil allemand (qui correspond à l’Art nouveau en France), construit par l’architecte Carl Schmanns entre 1912 et 1913.

L’immense verrière qui couvre le grand hall permet d’éclairer l’espace situé juste en-dessous et confère au lieu une aura de cathédrale, …

… volume impressionnant, qu’exploite Anderson quand la tension dramatique est à son comble lors d’une course-poursuite …

… qui laisse Agatha (Saoirse Ronan) suspendue à la façade du bâtiment !
Pour savoir si Agatha sera sauvée de cette fâcheuse position, il suffit de s’adresser à l’un des membres de la société secrète des clés croisées (ci-dessus)… ou bien simplement voir le film. Nous recommandons, bien entendu, l’ensemble des hôtels précités pour votre prochain séjour à Berlin, en Floride, à Nice ou à Nebelsbad !
DER LETZTE MANN (Le dernier des hommes) 1924 F. W. Murnau
GRAND HOTEL (1932) Edmond Goulding
THE COCOANUTS (Noix de Coco) 1929 Robert Florey et Joseph Santley
SOME LIKE IT HOT (Certains l’aiment chaud) 1959 Billy Wilder
TO CATCH A THIEF (La main au collet) 1955 Alfred Hitchcock
GRAND BUDAPEST HOTEL 2014 Wes Anderson
En attendant d’aborder d’autres hôtels (grands et petits), voici l’excellent mash-up de Steve Ramsden qui réunit l’hôtel Overlook de « The Shining » et « The Grand Budapest Hotel », en une nouvelle aventure magique, irrespectueuse et drôle !




